Mauvaise blague…

mars 26th, 2012 by e
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Ce texte repris du site  basse intensité a été distribué devant le service de l’hôpital en question, en Mars 2012.

J’ai 32 ans et je ne veux pas d’enfant. J’en suis sûre, si je regrette j’y penserai quelques jours, mais je ne pourrai rien y faire, alors je ferai autre chose. C’est exactement ce que je veux, je veux faire autre chose, je ne veux pas d’enfant. Depuis quatre ans j’arpente le pays de gynéco en gynéco, avec la brochure «stérilisation à visée contraceptive» à la main. Cette brochure est publiée (mais presque pas diffusée) par l’État depuis la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001, date de la prétendue autorisation pour toutes personnes majeures de faire une «stérilisation à visée contraceptive».
Je ne veux pas de contraception, je ne veux pas être une machine à produire des enfants, il existe des moyens pour arrêter cette fonction, je veux une stérilisation. Il y a quatre mois de ça, un chirurgien gynécologue de l’hôpital Arnaud de Villeneuve à Montpellier a accepté de me faire cette opération. J’ai suivi tout le protocole, quatre mois de délai de réflexion, un nouveau rendez-vous, la date d’opération est fixée. Je m’y prépare, je suis contente. 48 h avant l’opération, coup de fil du chirurgien, l’opération est annulée, ordre de sa hiérarchie. Son service s’occupe de la «fécondité de la femme». Il n’y a pas, même au niveau national, de service pour la stérilisation des femmes et c’est bien ça le problème. Enfin, il y a plusieurs problèmes.
Un des problèmes c’est de ne pas avoir le contrôle sur son corps, le tout pouvoir que s’octroie le corps médical sur le corps des femmes, en particulier, mais finalement, le corps de tout le monde. L’aide demandée à l’hôpital dans ce cas était purement technique. Le choix je l’ai déjà fait, la décision je l’ai déjà prise. L’hôpital, la hiérarchie du chirurgien décide de donner son avis, comme des dizaines d’autres gynécologues. Pourtant des femmes stérilisées en France sous décisions ou pressions du corps médical, il y en a beaucoup : après quatre enfants et (d’origine) non françaises, folles, transgenres, handicapées, toxicomanes… Elles n’ont pas décidé.
Des copains se sont faits stérilisés, ils ont cherché, parfois longtemps, puis ils ont trouvé, aujourd’hui, ils sont stérilisés. Alors que faut-il comprendre ? Le corps médical (et l’État) croit-il que les femmes sont d’éternelles mineures qui ne savent pas ce qu’elles veulent ? La médecine qui aime toujours utiliser les corps des femmes comme point de départ pour le contrôle des populations, aurait-elle maintenant scientifiquement prouvé que les femmes ne peuvent pas vivre sans enfant ? Qu’il y a de bons modes de vies ?
Le choix de stérilisation pour des femmes en âge de procréer et sans enfant n’existe pas puisque, même s’il est possible légalement, le corps médical use de son pouvoir supra-légal (droit de réserve, code de déontologie) pour empêcher les femmes d’accéder aux techniques de stérilisation. La société en général ne laisse de place à personne, et encore moins aux femmes, pour se construire des imaginaires et des vies sans enfant («il ne faut pas se fermer de portes, vous risquez de le regretter, qui vous dit qu’un jour vous n’allez pas rencontrer le prince charmant et avoir envie de lui faire des enfants…»).
Alors même si les médias se font les vecteurs d’une prétendue liberté sexuelle occidentale, de prétendus droits des femmes à disposer de leurs corps et de leurs vies. Les marges de manœuvre sont faibles et les garde-fous sont hauts.
Est-ce que les couples réfléchissent quatre mois avant de faire des enfants et ne le regrettent jamais?
Est-ce que la hiérarchie de cet hôpital mettrait autant de fougue à inséminer des couples de lesbiennes ?
Est-ce que l’hôpital reconnaitrait la multi-paternité d’un enfant ?
Qu’en est-il des jeunes filles mineures qui font/veulent des enfants? Qu’en est-il des femmes qui demandent une insémination après 40 ans ? Qu’en est-il des familles qui sont décomposées, recomposées et/ou bizarrement composées ?
… la blague n’est pas drôle. Vos normes sont trop étroites pour imaginer nos réalités.
 
je_ne_veux_pas_d_enfant

Contre-­appel à la délation

février 25th, 2012 by e

weiss-hommecourantA propos du “violeur” traqué par la police parisienne…

Mi-­janvier 2012, la préfecture de police se sert d’une de ses voix officielles, « le Parisien » pour diffuser le portrait-­robot de l’agresseur présumé de trois femmes. Accompagné d’un appel à délation. Depuis, la rumeur enfle, déforme et colporte fausses informations et témoignages, dans la rue et sur internet, et il n’y a pas besoin de traîner longtemps aux abords des collèges/lycées, ou dans les bars, pour entendre crier « au loup ! ».

 Que l’État utilise une histoire sordide pour justifier le développement de toujours plus de moyens de contrôle ne nous étonne pas particulièrement. Il a pris prétexte des violeurs et des pédophiles pour introduire la prise d’adn avant de l’étendre rapidement à la plupart des infractions à la loi. De même, on est passé de la surveillance par caméra des banques et des administrations à l’installation d’un oeil policier à chaque coin de rue. C’est soi­disant pour nous protéger que les caméras sont utilisées dans cette traque. Que suite à la diffusion d’un portrait­-robot la cellule de recherche mise en place par les chtars ait reçu autant d’appels a de quoi nous faire gerber. On parle de milliers de personnes, merde.

Rien de nouveau sous le soleil, les dispositifs de contrôle du pouvoir s’appuient depuis belle lurette non seulement sur l’acceptation, mais aussi sur la collaboration d’une multitude de cafardeurs. Le mécanisme de la délation est largement répandu. Il peut servir entre autres à pourrir le quotidien de toutes celles et ceux qui s’arrangent avec les règles imposées : informer le chef qu’ un.e collègue est en retard, dénoncer des nouveaux squatteurs au proprio, balancer un.e sans­papier à la police, prévenir les darons des mauvaises fréquentations de leur progéniture, etc.

L’existence de personnes prêtes à travailler avec les keufs pose en soi problème à tout amant­e de la liberté. Bien trop souvent, passants ou voisines renseignent la police sur les faits et gestes de celles et ceux qui ne se résignent pas à accepter ce monde de merde et choisissent d’exprimer dans la rue leur colère et leur révolte, en dehors du cadre posé par l’Etat et ses lois… On en a vu encore une triste illustration en Angleterre en août 2011 quand, suite à plusieurs jours d’émeutes, des milliers d’enragé.es ont été identifié.es et enfermé.es grâce aux témoignages d’honnêtes citoyens.

Face à une situation de viol, on devrait trancher entre la peste et le choléra : dans ce cas, même les plus scrupuleux peuvent franchir le pas de la collaboration avec la police. Ou encore, à l’instar de ce qui s’est passé à Montreuil en mars 2009, appliquer une justice populaire : une meute d’une cinquantaine de justiciers à la petite semaine avaient alors lynché (après lui avoir tiré dessus) celui en qui ils croyaient avoir reconnu le « violeur du stade ». Il y a un gouffre entre la lâcheté collective d’une foule et des individu.es s’organisant pour s’occuper d’une crapule qui a commis un viol, quand la personne directement concernée leur demande un coup de main.

Je vois dans cette dernière méthode la volonté de répondre à une agression en dehors de la médiation de l’État. La première correspond plutôt à un déchaînement qui transforme l’individu en “victime” à laquelle on se substitue, bien souvent au nom d’une morale ou d’un ordre social « à préserver ». C’est tellement plus simple de se réconcilier pour tomber sur le “monstre” du journal que de s’attaquer à ce qui se passe autour de soi, au risque de briser l’hypocrisie des rapports établis.

La morale populaire, qu’elle crève, dit rarement que la plupart des viols sont commis par des types que la personne violée a déjà vu (amis d’amis, collègues de boulot, entourage familial…), et que le fait qu’il y ait relations sexuelles régulières n’exclut pas qu’il puisse y avoir viol.

L’appropriation du corps de l’autre est une des expressions des rapports de propriété et d’autorité présents dans ce monde ­ entre adultes et enfants, patrons et salariés, gouvernants et gouvernés, autorités religieuses et esprits libres. C’est l’imbrication de toutes ces dominations qui nous écrase, et qu’il faut faire péter si on veut avoir une possibilité d’être libres un jour.

En tant que fille, je me trouve confrontée très régulièrement à cette menace, sous­-tendue physiquement ou verbalement, par des mecs qui agissent comme des agresseurs potentiels ou relayée par celles et ceux qui reprennent à leur compte un discours culpabilisateur dégueulasse : la liberté que je prends de vivre comme j’en ai envie ­ en choisissant où, quand, comment et avec qui me déplacer, avec qui, quand et comment baiser ­ m’exposerait particulièrement.

C’est quoi ces conneries ? Que ça arrive dans la rue tard, ou en stop, ou en faisant une passe, par un inconnu ou par “son” mec, rien ne justifie le viol.

J’ai bien l’intention de continuer à vivre comme j’en ai envie. Sans considérer le viol comme une fatalité, mais comme une prise de pouvoir contre laquelle se défendre ­ par la ruse, la fuite, la violence si nécessaire, à laquelle il est possible de survivre, sans culpabilité ni honte.

Sabotons toute traque policière et détruisons justice et prison.
Saccageons les codes moraux qui nous empêchent de vivre et de jouir pleinement de nos corps.

Que crève le vieux monde !!!

contreappel2

(Texte pécho dans les rues de Paris en Février 2012 et trouvable également sur les Brèves du désordre)

On veut pas de leur justice!

septembre 29th, 2011 by e

guignol2Le texte qui suit est extrait du journal « hé vas-y on… » distribué sur grenoble et sa région en 2011-2012 et qui proposait de « faire circuler des infos et des idées pour lutter, en dehors des institutions, contre la taule et contre ce monde qui a besoin d’enfermer, dedans et dehors, dans des cases et dans des cages ».


 L’autre jour on était au tribunal. Tout l’après-midi, à attendre que ce soit « notre tour », tout l’après midi à voir défiler des affaires, des histoires de vol en général, mais pas uniquement. Tout l’après midi à voir la justice « faire son travail ». Trois juges pleins de morgue, faisant la morale de toute leur hauteur, au nom de la « société ».

C’est tellement frappant, de les voir là, avec leur costume et leur salaire, sûrs d’eux. Demander à ceux qui comparaissent devant eux: « Mais enfin, vous n’avez pas de travail? Et vous en cherchez comment? Mais vous avez fait des efforts? ». Engueuler des gens comme un prof engueulerait des enfants à l’école, jusqu’à ce qu’ils baissent la tête. Sentir le jugement, la suspicion des « honnêtes gens » dans leur attitude, les voir attendre le cinéma des regrets, des excuses, des bonnes résolutions.  Les voir hausser le ton, invoquer la loi et la morale, ce qui se fait, ce qui ne se fait pas… Sentir toute l’hypocrisie de cette mise en scène… L’un d’eux laisse parfois échapper des ricanements, grimaces, il s’endort même quelques instants. Du pur mépris, du foutage de gueule clair et direct. Parce qu’on est pas du même monde, pas de leur monde à eux, de ceux et celles qui ont un travail régulier et un compte en banque confortable, une bonne éducation, un logement, une voiture, des papiers en règle évidemment, la peau claire. Le monde de celles et ceux qui vivent le cul dans du beurre, en gros.

Le recours au système judiciaire paraît parfois nécessaire dans certaines situations de détresse, dans une société qui n’offre presque aucune autre possibilité. Mais la punition et la délégation à des instances spécialisées et bureaucratisées qui nous dépassent, quand elles ne se retournent pas contre nous, ne sont que des illusions de solution pour les un-es, et les outils du pouvoir pour les autres.

En face, c’est plutôt le monde de la débrouille. Sans dire que les personnes qui comparaissent sont sympathiques… celles qui les jugent sont à vomir. À un moment, justement, passe un gars antipathique. Il est accusé de s’être frotté de manière obscène contre plusieurs femmes dans les transports en commun. Rien qu’à imaginer qu’il me fasse ça à moi, la colère monte, les poings se crispent…

Pas la moindre hésitation pour combattre ses actes. C’est une forme de viol, c’est insupportable. Pourtant à ce moment, dans ce tribunal, il fait juste pitié. Le voir comme ça, avec les trois vautours qui s’acharnent contre lui… qui tentent de le disséquer à coups de rapports d’expert psychiatre. À essayer d’établir si oui ou non il est normal, si sa vie sexuelle est normale. À revenir, eux, des mois après, sur les détails qui maintenant, sont humiliants pour lui. À jouer de leur position de pouvoir, parce que c’est l’essence même de leur fonction. Alors il baisse la tête, mais qu’est-ce que ça veut dire au juste? Un peu facile de faire de lui un déviant dans un monde ou le sexisme est la norme. Dans un monde où on siffle les femmes dans la rue, où l’on s’amuse au collège à mettre la main aux fesses des filles, dans un monde où l’on parle de « devoir conjugal », où une grande partie des viols ne sont pas reconnus comme tels.

Dans un monde où l’on considère que voyager, faire du stop, sortir la nuit, et faire tout un tas d’autre chose SEULE, c’est prendre des risques. Comme si une agression pouvait survenir de manière assez logique à partir du moment où des femmes ne sont plus « sous la protection » et la dépendance d’un homme. Trop facile de nier  ce contexte, de faire comme si le problème résidait seulement dans cet homme qui, cette fois, s’est fait attraper. Trop facile d’utiliser la situation des femmes à qui ces hommes à imposé ces attouchements. De jouer la société bien pensante et vengeresse, de décider à leur place ce qui va venir réparer l’affront, la blessure, ou autre. Je veux un monde où des actes comme celui-ci ne se produiraient plus, parce que les rapports entre les hommes, les femmes auraient changé. Un monde où « être un homme » ou « être une femme » n’aménerait pas cette cohorde de présupposés, comportements attendus, voire même que ça ne voudrait plus rien dire.

Je veux un monde où si ces actes se produisent malgré tout, on peur leur trouver dans l’instant diverses réponses: un gros scandale au milieu des autres passagers qui ferait probablement cesser l’agression, mettre le type dehors du transport en commun, lui balancer une mandale, ou autre. Et parce qu’on ne trouve pas toujours dans l’instant des réponses adaptées, ou qu’une agression peut-être rendue publique longtemps après, s’y confronter quand la personne qui a subi l’agression s’en sent capable, dans des modalités choisies, et pas quand on reçoit une convocation. Trouver la confiance, ne plus avoir ni peur ni honte de mettre en lumièr les agressions que vivent les femmes pour la seule raison qu’elles sont des femmes; trouver la force de se défendre. Ne pas laisser la police, la justice, les taules, faire leur propagande sur notre dos. Elles font aussi partie de ce qui nous agresse; et elles n’ont aucune place dans le monde dont on rêve.

 

 

 

 

 

 

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